AJDA - L'actualité juridique Droit administratif N° 24/2013 AJDA 8 juillet 2013 1365 Fonction publique LA CJUE À NOUVEAU INVITÉE DANS LE DOSSIER DES RETRAITES Marie-Christine de Montecler La France croyait bien en avoir terminé avec le dossier de la compatibilité avec le droit de l'Union européenne du système des retraites de la fonction publique. Mais un avocat lyonnais, Bertrand Madignier, a obtenu récemment de la cour administrative d'appel de Lyon (3 avr. 2013, M. et M_ Leone, req, n° 12LY02596) qu'elle renvoie à la Cour de justice de l'Union européenne la question de la compatibilité de la réforme des avantages familiaux de 2003 et 2004 avec le droit de l'Union. Après l'arrêt Griesmar (GJCE 29 nov. 2001, off. G366199), par lequel la Cour avait jugé qu'il n'était pas possible de réserver les bonifications de retraite pour enfants (art. L.12 C. pens.) aux mères de famille, la loi de ré• forme des retraites de 2003 avait formellement ouvert cet avantage aux hommes,, tout en le subordonnant à une condition d'interruption d'activité d'au moins deux mois pour chaque enfant (v. C. Weiss-Marchal, AJDA 2004. 474). La loi du 30 décembre 2004 a mis la même condition à l'obtention d'une retraite après quinze ans de services pour les parents de trois enfants {art. L. 24. Ce faisant, plaide M° Madignier, le législateur a créé une discrimination indirecte, contraire tant au droit de l'Union qu’à la Convention européenne des droits de l'homme, au détriment des hommes. Non seulement parce que ceux-ci ne prennent pas de congé de maternité, mais aussi parce qu'avant le milieu des années 1980, le congé parental ne leur était pas ouvert. Il a donc engagé pour ses clients des actions en responsabilité de l'Etat du fait d'une loi contraire au droit européen, en application de la jurisprudence Gardedieu (CE 8 févr. 2007, req. n° 2795Z2,AJDA2007.585). Les arguments fondés sur la discrimination indirecte ont été rejetés par le Conseil d'Etat dans ses arrêts d'Amato (29 déc. 2004, req. n° 265097) et Delin (6 déc. 2006, req . n° 280681, AJDA 2007. 606). Cependant, pour l'opiniâtre avocat, le Conseil d'Etat n'aurait pas dû trancher cette question, mais la renvoyer à la CJUE. D’où l'invocation par M° Madignier d'un second fondement à la responsabilité de l'Etat: la violation du droit communautaire par une déci-sion juridictionnelle. En novembre 2010, il avait obtenu, pour un autre de ses clients, que le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion pose une question Préjudicielle à la CJUE. Mais le jugement avait été annulé par la CAA de Bordeaux. Avant l'ordonnance de radiation, l'avocat général Niilo Jââskinen avait conclu à l'absence de discrimination. Toutefois, les observations de la Commission allaient en sens inverse. Et l'analyse de Niilo Jâdskinen « démontre que la réponse à la question de l'existence d'une discrimination indirecte n'est pas évidente », a notamment estimé Cathy Schmerber, rapporteur public devant la CAA de Lyon. Ce sera donc à la CJUE de la trancher.