COLLECTIF EGALITE RETRAITE (C.E.R.)

à Mesdames et Messieurs les députés et sénateurs

Le COLLECTIF EGALITE RETRAITE (1) demande la suppression des discriminations sur les droits familiaux pour la réforme des RETRAITES




Alors que le Gouvernement remet à plus tard la réforme des droits familiaux et s’enferme dans la « guerre de sexes », l’Europe s’attaque aux vraies discriminations Femmes / Hommes et condamne la France à répétition :

Avec cette cinquième réforme des retraites en dix ans, la France affiche son intention de s’attaquer aux inégalités subies par les femmes lors de la retraite, notamment sur la base des rapports du Conseil d’Orientation des Retraites (COR) et de la Commission MOREAU .(2)

En réalité, les chiffres avancés sont totalement biaisés, car assis sur des moyennes de pensions entre femmes et hommes, ils ne tiennent compte ni des postes de travail et salaires occupés, ni du temps partiel. Ils ne peuvent donc pas refléter des écarts de pensions entre femmes et hommes, puisque les chiffres ne sont pas comparables.

Actuellement, les droits familiaux maintiennent des discriminations sur le sexe contre les hommes de manière indirecte, même s’ils se sont personnellement investis dans l’éducation de leurs enfants au préjudice de leur carrière, par des mesures de compensation qui devraient logiquement être de nouveau condamnées par la justice européenne. En effet, ces majorations de pensions confortent une distribution traditionnelle des rôles entre les hommes qui feraient carrière et les femmes qui se consacreraient à l’éducation des enfants «sans remédier à leurs difficultés pour mener les deux sur un pied d’égalité avec les hommes ».

Or, si une mise à plat des droits familiaux sur les retraites a bien été préconisée par différents rapports, le gouvernement remet cette réforme à plus tard dans une stricte logique de « guerre des sexes » parfaitement artificielle et déjà dénoncée par le COLLECTIF EGALITE RETRAITE (ci-après CER) sans être entendu par la droite lorsque elle était aux affaires.

Composé de pères et de mères, victimes directes ou indirectes de cette politique discriminatoire dépassée, le COLLECTIF EGALITE RETRAITE demande à entamer un dialogue constructif inspiré des préconisations du COR et de la Commission Moreau mais fondé sur le respect de l’égalité réelle et sur la liberté d’option pour la pension des parents retraités en tenant compte des nouvelles réalités sociales liées au temps partiel subi, et aux situations des mères isolées, car séparées ou divorcées.

Nota 1 Le COLLECTIF EGALITE RETRAITE rassemble des hommes qui réclament les mêmes avantages familiaux que les femmes sur leur retraite depuis les réformes FILLON de 2003 et WOERTH de 2010 ainsi qu’un certain nombre de femmes « victimes collatérales » des discriminations indirectes introduites par les Gouvernement de droite entre 2003 et 2010, notamment auprès des tribunaux français, de la Cour de Justice de l’Union Européenne et de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, ainsi que devant la Commission Européenne. Crée en 2012, il tente de solliciter la classe politique et les médias ainsi que les partenaires sociaux sur cette problématique. 2 Voir notamment les 6 ème et 12 ème rapports du COR respectivement de 2005 et 2013 ainsi que le rapport de la Commission MOREAU de juin 2013.

C’est dans cet esprit que le COLLECTIF EGALITE RETRAITE demande la suppression immédiate des discriminations actuelles sur les droits familiaux dans la loi de réforme des retraites soumise au parlement avant d’être associé aux travaux et négociations à venir prévus par l’article 13 du projet de loi, notamment sur la base de ses propres suggestions pour l’avenir des droits familiaux.

1. Propositions d’amendements immédiats
 2. Un constat biaisé par des chiffres dépassés
 3. La France condamnée par L’Europe
 4. L’égalité femmes/hommes remise à plus tard 5. Propositions/Conclusion

1. PROPOSITION D’AMENDEMENTS IMMEDIATS :



Pour éviter une nouvelle condamnation de la France pour discrimination sur le sexe, le CER propose d’adopter immédiatement les amendements suivants :

- Modifier l’article 13 du projet ainsi :

REMPLACER les mots « afin de mieux compenser les effets sur la carrière et la pension des femmes de l’arrivée d’un enfant au foyer » PAR « afin de mieux connaître les écarts de pensions entre les femmes et les hommes, notamment au regard de la variable du temps partiel et du taux de remplacement ainsi que par l’arrivée d’un enfant au foyer sur les rémunérations et les pensions corrélatives, et proposer toutes mesures qui respecteraient le principe d’égalité et de non-discrimination entre femmes et hommes selon lequel à salaire égal, retraite égale ».

- Modifier l’article L.351-4 du code de la sécurité sociale :

SUPPRIMER le IX sur l’entrée en vigueur des dispositions de la loi n°2009-1646 du 24.12.2009 et ses dispositions transitoires, et AJOUTER :
« L’application du principe d’option entrera en vigueur pour les pensions liquidées à compter de la publication de la loi, et pour tout parent masculin qui en aura demandé le bénéfice en Justice. Ceux dont la pension a déjà été liquidée depuis le 01.01.2010 pourront demander la révision de leur pension pour l’avenir, à compter de leur demande ».

Et INSERER un paragraphe XI :
« En cas de décès d’un des deux parents, l’ensemble des trimestres auxquels un enfant ouvre droit sera attribué automatiquement à l’autre parent. »

- Modifier l’article L.24 du code des pensions sur la jouissance immédiate à la retraite des fonctionnaires et assimilés :

Au paragraphe I.3°, SUPPRIMER les mots : « à condition qu’il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat ».

AJOUTER les mots : « Pour les parents d’enfants qui ont demandé l’admission au bénéfice de ce départ à la retraite avant la publication de la présente loi, même en cas de rejet définitivement jugé, abroger les décisions de rejet au profit d’une admission sur nouvelle demande pour une date qui ne pourra être antérieure à celle de la nouvelle demande, sauf si elle est plus favorable au fonctionnaire».

- Modifier l’article L.12b du code des pensions sur la bonification pour enfants :

SUPPRIMER les mots : « à condition qu’il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat ».

AJOUTER les mots : « Pour les parents d’enfants qui ont demandé le bénéfice de la bonification pour enfants avant la publication de la présente loi, même en cas de rejet définitivement jugé, abroger les décisions de rejet au profit d’une révision de pension à effet rétroactif à compter de la liquidation des droits à la retraite du fonctionnaire ».

2. UN CONSTAT BIAISE PAR LES CHIFFRES

Un constat biaisé par des chiffres dépassés qui ne tiennent pas compte du poste de travail et du temps partiel: Pour compenser les pensions de retraite en faveur des femmes par les « droits familiaux », le gouvernement avance comme principal argument l’écart de pension entre les hommes et les femmes supposé être de 30%, c’est-à-dire que les pensions des femmes ne représenteraient que 70% des pensions moyennes obtenues par les hommes .(3) Mais ce chiffre avancé depuis déjà plusieurs années est faux pour les pensions qui seront impactées par la future réforme car il repose sur une moyenne des pensions déjà liquidées, et intègre des différences générationnelles très importantes, selon qu’il s’agisse des générations nées pendant les années 20 ou pendant les années 50, lorsque les écarts de pensions atteignaient jusqu’à un ratio de 66%.(4) De plus, les chiffres diffèrent, selon que l’on avance des statistiques comparées sur les droits propres des femmes, ou ceux qui intègrent les droits dérivés qu’est la pension de réversion perçue au décès du conjoint/ex-conjoint(5) , de sorte que l’on assiste à une valse des chiffres devenus fantaisistes compris entre 30% et 50%.(6)

L’ensemble des statistiques avancées par les politiciens de tous bords reposent encore sur des moyennes de pension indifférenciées, et même aggravées par la mortalité masculine qui pèse sur le ratio des pensions de femmes âgées dont les pensions étaient et demeurent plus faibles (7), alors que pour les générations visées par l’actuelle réforme des retraites, l’écart de pensions se réduit à 20% pour la génération née dans les années 70.(8)

Nota 3
 Chiffre avancé par le Premier Ministre dans l’exposé des motifs de l’actuel projet de réforme, identique à celui cité par la secrétaire d'Etat au femmes Madame Najat Vallaud-Belkacem. 4


Les pensions des femmes représentaient 44% de celles des hommes pour la génération née dans les années 20, 56% pour la génération née dans les années 40 et 70% pour la génération née dans les années 50.

5 Sur cette question, se reporter au rapport de l'INSEE de 2012 - Bonnet,C et Hourriez, J-M, Inégalités entre les hommes et les femmes au moment de la retraite en France qui avance pour 2008 des écarts de pensions allant de 52% à 36% selon qu'on prenne en compte les pensions de réversion ou uniquement les pensions de droit propre. 6 C’est ainsi que dans son rapport à l'Assemblée Nationale lors de la réforme de 2010, Marie-Jo Zimmermann, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de l'Assemblée Nationale, indique un écart de 38% et que l'actuelle vice-présidente de la délégation aux droits des femmes de l'assemblée mentionne quant à elle un écart de 40 à 50%. 7
 Cf. Rapport de l'INSEE de 2012 - Bonnet,C et Hourriez, J-M, Inégalités entre les hommes et les femmes au moment de la retraite en France page 40. 8 Cf. 12 ème rapport du COR, page 113.

Mais surtout, aucune de ces statistiques ne tiennent compte du temps partiel, ce qui rend les chiffres bruts incomparables, puisque 80% des temps partiels sont occupés par des
femmes(9). Paradoxalement, il n’existe aucun chiffre connu qui fournit l’écart de pension en tenant compte de cette variable alors que la pension de retraite est calculée sur le dernier traitement dans la fonction publique et sur les vingt-cinq meilleures années dans le secteur privé, et c’est ici que le discours ambiant confine à l’escroquerie intellectuelle ! En outre, ces écarts de pensions moyennes doivent être nuancés selon les secteurs et le types d’emplois occupés, car par exemple, l’écart de pensions entre les femmes et les hommes dans le régime spécial des fonctionnaires et assimilés n’est plus significatif puisqu’il se réduit à 16% en moyenne dans la fonction publique d’Etat (les pensions versées aux femmes atteignent 75% à 95% de celles des hommes selon le recueil statistique 2009), 15% dans la fonction publique territoriale et moins de 12% dans la fonction publique hospitalière (toujours sans tenir compte de la variable temps partiel).(10)

D’autre part, les femmes seraient également victimes d’une insuffisance de trimestres cotisés qui les obligerait à travailler plus longtemps, et donc à partir à un âge plus élevé à la retraite.

Mais cette affirmation est contredite par les chiffres réels qui montrent que l’écart de durée d’assurance cotisée se réduit à près de 4% pour bientôt disparaître complètement.(11)

Ainsi, l’écart d’âge de départ à la retraite tend à devenir insignifiant entre les hommes et les femmes, puisqu’il est de moins d’un an dans la fonction publique, et d’un trimestre dans le régime général.(12)

Il en résulte que tous les chiffres avancés par les pouvoirs publics sont biaisés pour apprécier les inégalités femmes / hommes pour la retraite dont les différences de pension dépendent d’abord et avant toute chose des différences de salaire servant de base aux calculs de la pension de retraite, comme le relèvent l’ensemble des experts, ce qui n’a pas échappé aux parlementaires auteurs d’un grand nombre d’amendements sur cette question.

En réalité, le véritable chiffre significatif pour apprécier cette inégalité devrait être exclusivement le taux de remplacement, c'est à dire "le ratio entre le montant de la pension de retraite à la liquidation et le salaire de fin de carrière". Le rapport Moreau, s'appuyant sur un rapport de la DREES montre ainsi que l'écart moyen du taux de remplacement entre les femmes et les hommes varie de 2% à 8% maximum mais surtout qu'il n'est que de 2,3% à 4,7% pour les salaires moyens. Cet écart est même inversé en faveur des femmes à raison de 4,7% en faveur des femmes cadres, ce qui témoigne des sur-compensations résultant directement des droits familiaux réservés de fait aux mères.(13)

Nota 9
 Chiffre tiré d'un rapport de l'INSEE sur le temps partiel de 2011 selon lequel 79,9% des temps partiels concernent des femmes. 10 Les pensions féminines représentent 84,05% dans la fonction publique territoriale et 88,41% dans la fonction hospitalière en moyenne selon les catégories A à C des fonctionnaires – Voir recueil statistiques 2011 de la Caisse des Dépôts (toujours sans tenir compte de la variable du temps partiel). 11 L’écart était de 28% de trimestres cotisés entre hommes et femmes pour la génération née en 1942. Il est passée à 4% pour celle née en 1962 et atteindra 1,7% pour la génération née en 1974 selon le rapport de la DREES : Les retraités et les retraites – Collection études et statistiques – 2013, page 130. 12 L’âge moyen de départ à la retraite est de 59,80 ans pour les hommes contre 60,62 ans pour les femmes dans le régime spécial de la fonction publique pour les nouveaux pensionnés de 2011 selon le recueil statistique 2011 des retraites de l’Etat. Pour le régime général on tombe à un écart de seulement 1 trimestre, l'âge moyen de départ à la retraite étant de 62 ans pour les hommes et de 62.25 ans pour les femmes selon le rapport de la CNAV de 2012.

Les écarts de taux de remplacement permettent de mettre en lumière que les écarts de pension entre les femmes et les hommes ne découlent pas simplement d'écart de salaires pendant la carrière mais aussi et peut-être d'avantage de certaines règles de calcul de pension généralement défavorables aux femmes, ce qui explique que des mesures ont été prises avant l’actuel projet de réforme, comme le report au compte des indemnités journalières versées pendant le congé maternité à 125% dans le calcul du salaire annuel moyen retenu au titre des vingt-cinq meilleures années par la réforme de 2010(14), ou le relèvement de certains plafonds pénalisant surtout les femmes à temps partiel.(15)

Toutefois, les bas salaires à temps très partiel sont encore pénalisés au niveau des trimestres validés aggravés par la décote, ce qui devrait être amélioré par le projet de réforme actuel.(16)

Par conséquent, seule la différence de taux de remplacement est un « bon indicateur » de l’injustice sociale entre hommes et femmes, contrairement à l’écart brut des pensions pensionnes n’est pas en soi un indicateur d’une quelconque discrimination lors de la retraite puisqu’il résulte de l’écart des salaires et qu’il ne prend pas en compte le temps partiel majoritairement occupé par les femmes.

Il faut d’ailleurs relever que ce taux de remplacement s’est dégradé au préjudice des hommes, notamment dans le régime des fonctionnaires civils à raison de 4% contre 2% pour
les femmes entre les générations de 1934 à 1942(17) , de sorte qu’une fois encore, les gouvernements ont une lecture tendancieuses des chiffres qui existent dans d’obscurs rapports, et qu’ils sont repris sans esprit critique par les médias.

Dès lors, toute mesure de compensation rompt avec le principe d’égalité entre hommes et femmes qui voudrait qu’ « à salaire égal, retraite égale ».

Les fondements de la politique de « Justice sociale » sont donc faux, et induisent une recherche d’Egalité dépassée qui a déjà été condamnée par la Justice européenne.

Nota 13 Concerne les 25% des salaires les plus élevés, même source DREES repris par rapport MOREAU pages 28 et
35, tableau 6. 14 Avant la réforme de 2010, seuls les régimes spéciaux de retraite ne pénalisaient pas les mères au titre du congé de maternité du fait de la base de calcul repose sur les six derniers mois de salaire, alors que retenues dans les vingt-cinq meilleures années pour le calcul du régime général, les années de naissance d’enfants faisaient baisser le salaire annuel moyen même si les trimestres correspondants au congé de maternité étaient validés. 15 Voir notamment les articles 14 et 15 du projet de loi Touraine.

16

C’est notamment la règle du minimum de 200 heures de travail rémunérées au SMIC pour valider un trimestre prévue par les articles L.351-2 et R.351-9 du Code de la Sécurité Sociale qui pénalise les petits salaires à temps très partiel et dont majoritairement les femmes, les apprentis et les stagiaires de la formation professionnelle, comme cela a été pointé par la Commission MOREAU, pages 117 et suivantes de son rapport et qui devrait être modifiée par les articles 14 et suivants du projet de réforme TOURAINE. 17 Rapport MOREAU, page 133.

3. LA FRANCE CONDAMNEE PAR L’EUROPE :

Des compensations et surcompensations sur le modèle familial traditionnel jugées discriminatoires par l’Europe

En dépit de l’extrême complexité et des nombreux défauts de notre système de retraite, le régime français est décrit comme largement redistributif avec « peu de trous de carrière qui ne soient pas pris en compte (pour les femmes) », aux dires des experts eux-mêmes.(18)

Ce que les experts appellent la « child penalty » (19) est en réalité neutralisée, et même surcompensée : - Dans la fonction publique, le congé de maternité ou d’adoption est assimilé à des services effectifs pour les droits à la retraite sans aucune conséquence pour les femmes. - Dans le secteur privé (régime général et complémentaire), le congé de maternité est une période dite « assimilée » et compte pour les trimestres validés sans dégradation du salaire annuel moyen pour le calcul de la pension depuis la réforme de 2010. - Les périodes d’interruption ou de réduction d’activité pour l’éducation des enfants 
20
sont intégralement validées dans le secteur public et/ou largement compensées par 
l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) dans le public et le privé. L’AVPF permet la validation de quatre trimestres par an avec le report au compte au régime général d’un salaire mensuel équivalent au SMIC, report au compte inutile dans les régimes spéciaux du public.(21)

Mais historiquement, ces compensations sont complétées par des dispositifs appelés droits familiaux qui reposaient essentiellement sur une politique nataliste (majoration pour 3 enfants dans le public et le privé) ou un schéma familial d’avant-guerre avec les majorations ou bonifications pour enfants qui sont différentes dans le régime public ou privé :

1. La majoration de pension pour les parents de trois enfants et plus est de 10% de la pension annuelle, et atteint 15% pour quatre enfants et plus. D’inspiration purement nataliste, elle est versée sans distinction de sexe aux deux parents, dans le public ou dans le privé (22) , et représente 5,7 milliards d’euros par an transférés de la CNAF à la CNAV en franchise d’impôts.

Nota 18 Voir 12ème rapport du COR, page 99. 19 
Parfois aussi connu sous le nom de Motherhood Penalty (pénalité liée à l'enfant/ à la maternité), la child penalty, principalement théorisée par Shelly Cornell (Université de Chicago) désigne le fait que les femmes ayant des enfants tendent à avoir des salaires plus bas –et même selon certains sociologues- un avancement professionnel moindre que les femmes sans enfants et à plus forte raison les hommes (avec ou sans enfants). Il ne s'agit donc pas d'une discrimination basée uniquement sur le sexe. 20 La « réforme Fillon » a modifié l’article L.12 du code des pensions par la loi n°2003-775 du 21.08.2003 en prévoyant que pour les naissances postérieures à 2004 , les périodes d’interruption seront validées pour la durée du congé parental ou disponibilité pour élever un enfant. 21 Voir 12ème rapport du COR, page 99 qui renvoie aux travaux de la DREES et de la CNAV, ce qui représente un transfert de 4,5 milliards d’euros par an entre la CNAF et la CNAV pour 2 millions de bénéficiaires dont 92% de femmes. 22 Article L.351-8 du code de la sécurité sociale pour le régime général, et article L.18 du code des pensions civiles pour les fonctionnaires et assimilés. 2. Dans le régime général du secteur privé , chaque naissance d’enfant donnait droit à huit trimestres de majoration de durée d’assurance (dite M.D.A.) réservée exclusivement aux femmes(23) , mais cette « MDA » a été jugée discriminatoire par la
Cour de Cassation en 2009(24) , de sorte que les huit trimestres de majoration ont été répartis en quatre trimestres de majoration de naissance pour les mères, et quatre trimestres de majoration d’éducation attribués au père ou à la mère selon le choix des parents.(25) Cependant, les pères d’enfants nés avant 2010 ont été écartés indirectement de cette option pour les quatre trimestres de majoration d’éducation par l’obligation d’apporter la preuve qu’ils ont élevé leurs enfants entre 0 et 4 ans, ce qui devrait bientôt être déclaré de nouveau comme une discrimination indirecte conformément à certains arrêts de Cours d’Appel.(26) 3. Dans le régime spécial des fonctionnaires et assimilés, il existait une bonification pour enfants depuis 1924 réservée aux femmes fonctionnaires majorant la pension de 2% par enfant correspondant une « annuité » ou quatre trimestres(27). Mais à la suite d’un arrêt de la Cour de Justice Européenne de 2001 condamnant la France pour violation du principe d’égalité des rémunérations prévu par le Traité de l’Union Européenne(28) , la réforme « FILLON » de 2003 a remplacé cette discrimination directe par une discrimination indirecte en introduisant une condition d’interruption d’activité de deux mois lors de la naissance. Sachant que cette condition ne sera remplie en 
pratique que par les femmes (29), la discrimination indirecte a été officiellement reconnue depuis 2005 par la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations, mais la France a provisoirement échappé à une nouvelle sanction européenne malgré une procédure d’infraction ouverte par la Commission Européenne entre 2004 et 2011(30) . Cette égalité formelle de façade validée par le Conseil Constitutionnel en 2003 n’a été sauvée d’une censure de la Cour de Justice Européenne que par des manœuvres du Conseil d’Etat consistant à bloquer les procédures dites de «renvoi préjudiciel européen », mais devrait, sur les deux dispositifs spécifiques aux fonctionnaires, faire prochainement l’objet d’une nouvelle condamnation de la France pour discrimination indirecte par la Cour de Luxembourg. Nota 23 Article L.351-4 du Code de la Sécurité Sociale validé par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 14.08.2003. 24 Violation du principe de non-discrimination prévu par l’article 14 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme, C.Cass. 2ème du 21.12.2006 pourvoi n° 04-30586 et du 19.02.2009 pourvoi n° 07-20668. 25 Article 65 de la loi n°2009-1646 du 24.12.2009. 26 Voir Cour d’Appel d’AGEN du 23.11.2010, RG N° 09/01149 et Cour d’Appel de POITIERS du 11.11.2011 RG N° 11/01086. 27 Article L.12 du Code des Pensions Civiles et Militaires de Retraite 28 Arrêt GRIESMAR du 29.11.2001, Aff. C-366/99 sur le fondement de l’ancien article 119 du Traité CE devenu article 141 du Traité UE devenu article 157 TFUE. 29

La rédaction « femmes fonctionnaires » prévue par l’ancien article L.12 du Code des Pensions a été remplacée par « femmes fonctionnaires ayant interrompu leur activité pendant plus de deux mois lors de la naissance de  leurs enfants » au terme des articles L.12 et R.13 du même code.

30 Délibération n° 2005-32 du 26.09.2005 de la HALDE ; Procédure d’infraction de la Commission Européenne n° 2004/4148 clôturée à la suite de l’ « assouplissement » de la condition d’interruption par une condition de réduction d’activité par la loi n° 2010-1330 du 09.11.2010 et son décret d’application n° 2010-1741 du 30.12.2010.

En effet, ces deux modifications de 2003 et 2009 maintiennent une discrimination indirecte au préjudice des pères d’enfants nés avant 2010 dans le privé ou d’enfants nés avant 2004 dans le public comme en témoignent les profils d’un certain nombre de plaignants (32):

- Christian C., père de 4 enfants comptabilisant de nombreuses périodes de réduction d'activité lorsque ces enfants étaient en bas âge, notamment lors de l'accueil de deux de ses enfants adoptés écarté car ces périodes de réductions ne remplissaient pas les conditions de durée ou d'âge maximum des enfants définies par les textes. - Jean-Luc P., père de 3 enfants, ayant pris un mi-temps à la suite de sa femme mais s'est vu refuser écarté car cette période de mi-temps a débuté après les 3 ans de l'enfant. - M. Gérard P., père de 3 enfants qui s’en est occupé quasiment seul alors qu'ils étaient nourrissons car son épouse était gravement malade, et ne pouvant interrompre ou réduire son activité professionnelle pour des raisons économiques évidentes, s'est vu écarter pour absence d'interruption d'activité. - Monsieur Jacques L., veuf ayant élevé seul ses deux enfants après le décès de son épouse, écarté des MDA faute d’avoir élevé ses enfants seuls avant qu’ils n’aient atteint 4 ans révolus.


 Un certain nombre de femmes se sont révélées être des « victimes collatérales » des modifications apportées aux avantages familiaux, en particulier pour la jouissance immédiate à la retraite comme parent de trois enfants en tant que mère d’enfants adoptés ou justifiant avoir élevé les enfants du conjoint pendant au moins neuf ans, ou dans le cas d’un enfant sur trois décédé avant ses neufs ans révolus.(33)


 Elles espèrent que ces dispositifs seront invalidés par l’une ou l’autre des Cours Européennes pour en revendiquer le bénéfice au même titre que les pères de famille discriminés.



Ces modifications législatives alimentent artificiellement une « guerre des sexes » sur les 
droits à la retraite, aggravent la faiblesse des pensions des femmes fonctionnaires par les 
départs anticipés des mères de trois enfants dont le dispositif a été maintenu malgré la loi du 9 
novembre 2010
(34) confortent une distribution traditionnelle des rôles entre les femmes censées sacrifier leur carrière pour leur vie familiale alors que les hommes continueraient à bénéficier des meilleures retraites résultant d’une carrière nécessairement supérieure à celle des femmes. 


Nota 31 
Après un premier renvoi obtenu en 2010 pour une cinquantaine de recours mais annulé par la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX et le Conseil d’Etat en 2012, une nouvelle procédure concernant cette fois environ 150 recours soutenus par le COLLECTIF EGALITE RETRAITE devrait aboutir à une reconnaissance de la discrimination indirecte par la Cour de Justice en 2014. 32 D’une manière générale, ces plaignants ont connu des diminutions ou des interruptions d’activité, mais
rarement dans les conditions restrictives fixées par les textes réglementaires, et jamais pour tous leurs enfants. 33 Les articles L.24 et R.37 du code des pensions civiles permettent (encore) aux fonctionnaires parents de trois enfants de partir en retraite anticipée sous la même condition d’interruption d’activité de deux mois à la naissances de chaque enfant, si l’enfant est « vivant ou décédé par fait de guerre », excluant ainsi Madame Brigitte C. pour l’un de ses enfants décédés à l’âge de 6 ans lors d’un accident de trajet, ou Madame Danièle B. pour des enfants du conjoint adoptés sans interruption d’activité. 34 L’article 44 de la loi n° 2010-1330 du 09.11.2010 a maintenu le dispositif de jouissance immédiate à la retraite sous condition de réduction d’activité avec décote pour les départs postérieurs au 01.07.2011 si les enfants sont nés avant le 31.12.2012.

Cette conception passéiste et formelle de l’égalité femmes / hommes se heurte à la conception actuelle et européenne rappelée par la Cour de Luxembourg selon laquelle : « ces mesures de compensation se bornent à octroyer un avantage aux femmes à la retraite sans porter remède à leurs difficultés pour concilier leur carrière professionnelle avec leur vie familiale sur un pied d’égalité avec les hommes » .(35)

Or, cette conception étroite de l’Egalité ne tient pas compte des situations vécues par les salariés futurs retraités au mépris de la Justice sociale, ou de l’évolution de la société, car elle n’appréhende pas les situations de pauvreté, en particulier pour les femmes isolées par suite d’un divorce ou d’une séparation.

En outre, les hommes et femmes qui ont eu et élevés leurs enfants ne sont pas en conflit eux- mêmes sur leurs droits à la retraite puisqu’ils la perçoivent ensemble (en général), comme en témoigne la démarche le plus souvent commune des plaignants qui ont engagé des procédures avec leur épouse. C’est d’ailleurs le cas lorsqu’elles ces épouses ont elles-mêmes une faible carrière et donc une pension qui sera à peine majorée par les avantages familiaux, car la pension du conjoint constituera l’unique source de revenus du couple retraité.

C’est pourquoi les principaux intéressés ne peuvent pas suivre cette conception artificiellement clivée de l’Egalité des genres qui semble n’intéresser que les politiques de droite comme de gauche, dont on peut s’interroger s’ils ne sont pas trop éloignés des préoccupations réelles des françaises et des français.

4. L'EGALITE FEMMES/HOMMES REMISE A PLUS TARD :

Les effets d’annonce de la réforme Touraine ou un projet qui doit être amendé

Le COLLECTIF EGALITE RETRAITE composé de « Monsieur et Madame tout le monde » ne prétend pas à un niveau d’expertise globale de cette nouvelle réforme, mais il constate :

- Que Le gouvernement a annoncé que cette majoration serait désormais fiscalisée par l’impôt sur le revenu, et n’a pas retenu la proposition de la commission MOREAU consistant à plafonner et/ou forfaitiser cette majoration de pension. Le COLLECTIF EGALITE RETRAITE n’a pas de position particulière sur cette mesure qui vise davantage à optimiser les recettes fiscales par un transfert des cotisations salariales et patronales URSSAF au profit du budget de l’Etat qu’à rétablir l’égalité femmes / hommes, mais c’est un autre débat.(36) - Que le nouveau projet de réforme entend remédier aux inégalités femmes / hommes en s’appuyant sur des chiffres biaisés pour vendre du « politiquement correct », mais remet cette réforme à 2020 en prévoyant dans l’article 13 de son projet la remise d’un (nouveau) rapport « sur l’évolution des droits familiaux, afin de mieux compenser les effets sur la carrière et les pensions des femmes de l’arrivée d’enfants au foyer »,(37) Nota 35 Voir arrêt GRIESMAR du 29.11.2001 précité, point 65.
 36 Le rapport MOREAU préconisait le plafonnement voire la forfaitisation de cette majoration pour enfants profitant essentiellement aux hommes « en tant que bénéficiaires des meilleures retraites », mais l’arbitrage du Premier Ministre a penché pour une fiscalisation de ces majorations qui permet opportunément un transfert des cotisations patronales et salariales récoltées par les URSAAF au profit de la Caisse d’Allocations Familiales par l’intermédiaire de la CNAV et la déclaration d’impôt des futurs retraités. 37 A noter que l’amendement n°1549 a bien souligné que les mesures de « compensation ex post » ne concernent que les générations impactées par « cet aléa » (familial), ce qui rejoint la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne qui prohibe les compensations tardives lors du départ à la retraite sans faire obstacle aux mesures prises pendant la carrière des femmes.

- Que le relèvement du seuil de trimestres validés par équivalence au SMIC horaire ne changera qu’à la marge la situation du temps (très) partiel subi, qui touche majoritairement des femmes isolées dont les rapports soulignent pourtant qu’elles représentent l’essentiel des bénéficiaires du minimum vieillesse,(38) - Que le seul outil de compensation pour le temps partiel reste la possibilité ouverte par la réforme de 2003 de surcotisation sur une base de temps complet, mais reste soumise à l’accord de l’employeur pour la prise en charge des cotisations patronales dans le régime général, et limitée à quatre trimestres seulement dans les régimes spéciaux du public, c’est-à- dire de la poudre aux yeux en pratique,

- Que loin de remédier aux discriminations indirectes subies par les pères de famille au titre des MDA ou des bonifications pour enfants, le Gouvernement souhaite au contraire les aggraver à l’horizon 2020 dans des conditions totalement discriminatoires.

En effet, s’agissant des majorations et bonifications pour enfants, le principe d’option et de liberté de choix laissée aux parents adopté par la loi de 2009 pour les naissances postérieures à 2010 concernera des retraites probablement liquidées à partir de 2030, et selon des modalités obscures quasi-inconnues lorsque le père et la mère dépendent de régimes
différents (39). Cette réforme n’a pas encore été mise en œuvre que déjà, le rapport MOREAU préconise de remplacer et fusionner la majoration de durée d’assurance avec l’AVPF en une majoration de la pension elle-même, accordée aux seules femmes à raison de la naissance, en prenant la précaution de préciser que : « juridiquement, il sera nécessaire de s’assurer que la création d’une majoration de pension essentiellement dédiée aux femmes, parce que d’abord liée à l’accouchement, respecte le droit européen, et notamment l’égalité hommes / femmes » .(40)

Il est clair que c’est un préalable nécessaire et que la réponse à cette question serait déjà connue depuis plusieurs années si le Conseil d’Etat n’avait pas bloqué le « dialogue des juges » par son refus abusif de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union Européenne.



En d’autres termes, la France fait deux pas en avant sur l’égalité femmes / hommes en 2009 et 2010 sous l’impulsion des condamnations européennes, mais s’apprête à faire trois pas en arrière par la réforme annoncée en 2013, mais qui serait applicable en 2020 ! La cohérence de ces lois et annonces successives dépasse toute logique et manque singulièrement de sérieux.

C’est donc au nom des bons sentiments fondés sur des chiffres biaisés et erronés que le projet de loi annonce des mesures de « justice », hypocrites et dépassées, qui exposent la France à de nouvelles condamnations, et sans rien régler des injustices les plus criantes subies par les femmes, à commencer par les femmes isolées en cas de séparation ou de divorce alors que le minimum retraite concerne les femmes isolées pour une écrasante proportion.

Nota 38

Cet aspect a été détaillé ci-dessus, voir note de renvoi n°16.

39 Quatre trimestres de majoration d’éducation dans le régime général face à deux trimestres de majoration de naissance pour le régime spécial des fonctionnaires. 40 Rapport MOREAU, page 129.

Pourtant, le 12ème rapport du COR pointait les conséquences des évolutions sociétales et familiales , mais le rapport MOREAU s’est contenté de préconiser une intégration de l’ensemble des revenus du couple où la prise en compte des autres formes de la vie en couple pour « une approche qui allie à la fois maintien du niveau de vie et solidarité ». C’est ainsi qu’après une analyse critique des droits familiaux jugés complexes et inadaptés, elle a proposé une « mise à plat » des MDA et de l’AVPF, mais l’a jugée ambitieuse et risquée au regard du droit européen.(42) Comme alternative provisoire, elle a suggéré de limiter le bénéfice de l’AVPF dans la durée, voire uniquement pour le temps partiel à l’exclusion des interruptions longues d’activité au- delà des six ans de l’enfant en introduisant une règle de non-cumul avec la MDA éducation, ce qui montre que la principale préoccupation est bien moins la défense des pensions des femmes que le souci d’économiser ou de ménager les régimes de retraite déjà déficitaires.

Or, les vraies inégalités femmes / hommes se situent non pas sur les pensions de retraite elles- mêmes, hormis certaines règles défavorables pratiquement déjà corrigées, mais d’une patr dans la mise en œuvre pratique du respect de l’égalité des salaires pendant la carrière professionnelle, et d’autre part dans la situations des femmes isolées vivant sur leur seule pension de retraite lorsqu’elles ont effectivement sacrifié leur carrière pour l’éducation des enfants.

Sur ce premier levier, la France s’est toujours refusée, par tradition, à s’engager dans la voie de la discrimination positive et proportionnée/raisonnable en ce qui concerne les recrutements et les avancements de carrière contrairement à certains de nos voisins européens dans les limites fixées par les principes de proportionnalité et d’effectivité dont les contours ont été tracés par la jurisprudence de la Cour de Justice Européenne, au nom du principe constitutionnel d’égalité gravé dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.(43)

Il est paradoxal de constater que c’est sur l’impulsion et la menace de sanction de la Commission Européenne du fait des discriminations indirectes subies par les hommes, que la réforme des retraites de 2010 a prévu d’introduire des sanctions pénales pour les entreprises d’une certain importance qui n’ont pas conclu d’accord sur l’égalité salariale prévue par d’obscures lois restées inappliquées en l’absence de contrôle, alors que l’objet de cette loi était les retraites et non les salaires !

Nota 41 12ème rapport du COR, page 106

42 .Voir rapport MOREAU, pages 130 et 131. 43
 Faute de moyens humains, en particulier dans les inspections du travail, il est à craindre que les abus subsistent dans les pratiques managériales des petites ou des grandes entreprises en tout impunité sur les salaires et les carrières féminines en dépit des énormes progrès qui permettent aux études de limiter l’écart de salaire à une partie inexpliquée « toutes choses égales par ailleurs », c’est-à-dire en tenant compte de la variable du temps partiel, à seulement 6%, alors que les longues interruptions ou réductions d’activité des femmes résultent essentiellement de choix familiaux encore insuffisamment encouragés y compris par le projet de loi en cours de discussion au Parlement présenté par la Ministre Najet VALLAUD-BELKACEM sur le congé parental et le congé de libre choix d’activité (Ce projet prétend inciter davantage les pères à prendre un congé parental pris à 94% par les mères, mais le débat à gauche comme à droit manque singulièrement de profondeur). En revanche, tout n’est pas noir dans le pays de Voltaire car les rythmes scolaires et les possibilités de garde d’enfants en bas âge offrent aux femmes françaises un environnement nettement plus favorable que celui dont bénéficient nos voisines allemandes, avec une évolution de la place des pères incontestable au cours des vingt dernières années.

D’ailleurs, un grand nombre de parlementaires ne s’y sont pas trompés, puisque nombre d’amendements préconisent d’élargir le domaine du rapport prévu par l’article 13 du projet de loi à la question du maintien d’activité professionnelle des femmes, et surtout au respect de l’égalité salariale, même si certains amendements laissent songeur tant il est vrai que l’égalité sur le marché du travail ne se décrète pas.(44)

En ce qui concerne la deuxième problématique du temps très partiel qui touche en réalité aux situations de pauvreté des travailleuses âgées isolées, rien dans la loi ne permet d’espérer une quelconque amélioration réelle en l’absence de réflexion sur les situations de séparations et de divorce qui concernent pourtant une part significative de la population.

En effet, les divers rapports ne s’intéressent pas aux conséquences de la désunion sur les pensions de retraite de femmes isolées malgré les modèles connus tels que le « spliting » pratiqué notamment en Allemagne pour transférer des droits à la retraite au profit de l’épouse divorcée, ou d’autres système qui permettent d’appréhender les écarts de pensions hommes/femmes non plus en droits propres ou dérivés, mais en distinguant la situation des couples (encore) unis et celle des retraités « mono-pensionnés » au sens d’isolés

En tout état de cause, le COLLECTIF EGALITE RETRAITE constate que ce Gouvernement de gauche s’est lui aussi enfermé dans une « guerre des sexes » qui appartient au passé sans avoir évalué l’impact de l’augmentation de la durée d’assurance nécessaire pour la liquidation des pensions de retraite sans décote pour les retraites des femmes, et s’apprête à s’entendre rappeler de manière cinglante par la justice européenne le principe selon lequel « à travail EGAL : retraite EGALE ».

C’est pourquoi il demande solennellement aux députés et sénateurs de modifier le texte qui lui est soumis par voie d’amendements, outre les bases de ce qui devrait être une réflexion d’ensemble non-clivée et intelligente.

Nota 44 Il faut signaler à cet égard les amendements n°1285 à 1299 soutenus par Mme Jacqueline FRAYSSE qui visent à introduire une « pénalité de 1% de la masse salariale » aux employeurs qui ne respectent pas l’égalité salariale entre femmes et hommes d’ici le 1 telle mesure pourrait être sanctionnée ? janvier 2016. Si l’intention est louable, reste à savoir comment une telle mesure pourrait être sanctionnée ?

5. PROPOSITIONS/CONCLUSION

Vers une réforme moderne des droits familiaux conforme au principe de non-discrimination:

Cette proposition n’est qu’une piste de réflexion pour montrer que les droits familiaux

peuvent être réformés en respectant le principe de non-discrimination, et en tenant compte de la situation de séparation de divorce ainsi que de la pénibilité résultant de l’éducation d’un enfant par un parent isolé, et elle satisfait une attente de convergence de date de retraite pour les couples encore unis en laissant une large place à la liberté de choix.

Le CER propose les pistes d'une réforme éloignée des clivages sexués artificiels et contre- productifs.

Le COLLECTIF EGALITE RETRAITE propose la suppression des discriminations subies par les pères de famille au profit d’une refonte des droits familiaux reposant sur les principes suivants : - Octroi d’une majoration de pension ou d’une majoration de durée d’assurance laissé 
au choix des parents ou attribuée à celui ou celle dont la carrière est la plus incomplète afin de permettre aux couples unis de partir à la retraite à des dates les plus rapprochées possibles, - En cas de séparation ou de divorce, retenir le principe d’un arbitrage de l’attribution des droits familiaux par la ou les caisse(s) de retraite en fonction du temps de garde ou de résidence assumé par le parent de nature à rééquilibrer la pension de retraite en fonction de la pénibilité résultant du cumul emploi / investissement familial, - Fusionner la MDA du régime général et les bonifications pour enfants des régimes spéciaux avec la majoration pour trois enfants en un dispositif unique qui tiendra compte de la différence entre le régime général et les régimes spéciaux aussi longtemps que ces régimes n’auront pas été harmonisés, - Etendre la validation des périodes d’interruptions/réduction d’activité dans tous les régimes quelque que soit la date de naissance des enfants, et réviser les règles de report au compte de certaines périodes retenues au titre de l’AVPF sur une base du salaire moyen au lieu d’un équivalent SMIC, - Supprimer le dispositif de retraite anticipée pour les parents de trois enfants du public même pour les naissances antérieures à 2012 à l’exception des parents qui en auront sollicité le bénéfice en justice jusqu’à l’adoption de la loi à intervenir.

Ce nouveau dispositif pourrait être décliné sur les bases suivantes:

- Majoration de pension ou majoration de durée d’assurance :

La Commission MOREAU préconise de remplacer les huit trimestres de MDA du régime général en une majoration forfaitaire plus favorable aux petites pensions, pouvant être de l’ordre de 120€ de majoration de pension par enfant.

Dans le public, son équivalent est la bonification de pension de l’ordre de 2% par enfant pour les naissances antérieures à 2004, et après 2004 une majoration de durée d’assurance de deux trimestres par enfant sauf validation des périodes d’interruption pour cause de congé parental en général attribué aux femmes.

La majoration de pension présente un intérêt certain pour les petites retraites lorsque les intéressés ont une carrière complète relativement tôt, ce qui sera de plus en plus difficile compte tenu de l’augmentation de la durée d’assurance nécessaire pour liquider sa retraite à taux plein, de sorte que le CER préconise le choix en une majoration de durée d’assurance ou une majoration de pension afin de permettre aux couples de prendre leur retraite à une date la plus rapprochée possible.

Ainsi, si le père, souvent plus âgé, part à la retraite plus tôt avec une carrière complète, la mère avec une carrière éventuellement accidentée, pourra préférer bénéficier de trimestres de majoration pour liquider sa retraite à taux plein le plus rapidement possible pour en jouir ensemble avec son conjoint au lieu de continuer à travailler pour percevoir certes une meilleure retraite, mais plus tard voire trop tard lorsque le conjoint décède rapidement au regard notamment de l’espérance de vie masculine.

Dès lors, le CER pense qu’il faut conserver la possibilité du choix par le couple au profit d’une majoration de durée d’assurance qui resterait de huit trimestres maximum dans le privé, et de quatre trimestres dans le public, ramené à deux trimestres en cas de validation des périodes d’interruption d’activité.

Toutefois, le couple pourra choisir de privilégier la majoration de pension si la liquidation des droits intervient à taux plein après 62 ans, avec un arbitrage de la caisse en cas de désunion dans des conditions qui seront détaillées ci-après.

- Liquidation des droits familiaux en cas de désunion :

Contrairement au système de « spliting » appliqué en Allemagne par l’attribution de droits à la retraite lors du jugement de divorce, le CER pense que l’attribution des droits familiaux pour la retraite doit être décidée lors de la liquidation des droits et non avant dans la mesure où des changements de garde ou de résidence des enfants peuvent intervenir postérieurement au jugement de divorce.

De plus, il ne serait pas adapté pour les couples non-mariés avec des situations difficilement évaluables notamment dans les familles recomposées, de sorte qu’il convient de retenir une attribution des droits à la retraite lors de la liquidation fondée soit sur l’accord des parents séparés, soit sur une décision de la caisse.

Celle-ci tiendra compte des durées de garde ou de résidence assumées au prorata temporis en cas de changement de résidence de l’enfant entre la date de la séparation et ses dix-huit ou vingt ans révolus.

Ainsi, les droits familiaux pourraient être attribués pour chaque enfant à égalité en cas de garde alternée, ou au parent qui a assumé seul la garde ou la résidence de l’enfant jusqu’à sa majorité, voire avec une répartition au prorata temporis.

A cet égard, il ne serait pas inutile d’affiner le raisonnement ou l’attribution des avantages notamment dans des situations de droit de visite et d’hébergement élargi largement pratiqué depuis les années 90, voire de tenir compte du paiement ou non de la pension alimentaire fixée judiciairement.

- Fusion et partage des droits familiaux :

Si l’on opère une fusion entre la majoration pour trois enfants et plus actuellement de 10% jusqu’à 15% de la pension versée avec les huit trimestres de MDA ou quatre trimestres de bonifications pour enfants, le nouvel avantage peut être décliné soit par une majoration de pension fixée en pourcentage de la pension, ou encore en un forfait tel que préconisé par la Commission MOREAU, soit en trimestres de durée d’assurance validés.

Le CER propose que les parents choisissent eux-mêmes, en dehors de la situation de couple désuni prévue ci-dessus, le type d’avantage souhaité. Compte tenu du projet de fiscalisation de la majoration de pension pour trois enfants, le CER suggère de s’inspirer des préconisations du rapport MOREAU et d’écarter cette fiscalisation au profit d’une fusion de ces droits familiaux déclinée en trois possibilités :

- Soit une majoration de pension par enfant répartis à égalité entre les parents non- désunis, sous forme de pourcentage de pension majorée de x% versé au père et à la mère lors de la liquidation des droits de chacun, - Soit une majoration forfaitaire destinée à rééquilibrer les droits familiaux de manière non-proportionnelle à l’égard des petites pensions de retraite, par une majoration de l’ordre de 120 ou 150€ par enfant (pour reprendre le montant indicatif avancé par le rapport MOREAU) répartis à moitié sur la pension de retraite de chacun des deux parents, ou pour un parent de trois enfants 180 à 225€ par mois sur la pension de chacun des deux parents, - Soit une majoration de trimestres d’assurance, que le couple pourra choisir d’attribuer ou qui serait d’office attribuée au profit de celui ou celle qui aura la carrière la plus incomplète, afin de faciliter le rapprochement du départ à la retraite des deux parents non-désunis.

Dès lors que les parents sont encore unis, il importe peu de savoir qui entre le père et la mère profitera de cette majoration de durée d’assurance, mais c’est un avantage que pourront apprécier les couples aussi bien pour compenser les interruptions de carrière qui sont souvent le fait des mères de famille, que pour compenser une entrée tardive dans la vie active qui concerne aussi bien les hommes que les femmes.

Dans la mesure où les droits fusionnés restent inférieurs au système antérieur, il ne devrait pas poser de difficultés de pilotage sur le plan financier, et préserve ainsi l’équilibre des régimes.

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Au regard des condamnations de la France qui ne manqueront pas d’intervenir dans les années à venir, c’est la piste la plus sérieuse que le Gouvernement et les parlementaires devront étudier dans les meilleurs délais, à défaut de quoi, ils prennent le risque d’aggraver l’écart de pensions qu’ils prétendent pourtant combattre...

C’est pourquoi le CER demande solennellement aux sénateurs de modifier le texte qui lui est soumis par voie d’amendements, et de favoriser le dialogue direct entre le C.E.R. et le gouvernement.